malefoy ♦ « running up that hill » (fiche terminée)

Malefoy Astoria
...........................................Hortense.

dix-neuf ans ; huitième année ; Serpentard

malefoy ♦ « running up that hill » (fiche terminée) 19tan7

BRAIN DAMAGE (c)

Avant l'accident

charismatique - franche – avide – sybarite - sociable - acerbe.
calculatrice – insouciante - présomptueuse

Après l'accident

désillusionnée - effacée – maladroite – solitaire - rat de bibliothèque
lunatique – farouche - sensible.

Spoiler:

Le début ne laisse pas présager la fin.

Qu'importe la surdité de l'oreille,
quand l'esprit entend.

Victor Hugo.

deux jours après l'accident,
le vingt-sept août 2056
hôpital ste mangouste.

« Que je crève ! »
L'enfer.
« Que je crève, ce serait la même chose ! »

Elle arpentait la pièce blanche, telle une harpie prise au piège. La colère se lisait parfaitement sur les délicats traits de son visage, un air crispé dont la chevelure d’un blond vénitien venait cependant atténuer. Le bandeau qui recouvrait ses deux oreilles, faisant un tour complet de sa tête, la dérangeait affreusement. Mais même malgré cette affreuse bande blanche, sa beauté aristocratique brillait encore de mille feux. Tout comme cela avait été le cas de son père, et son grand père.

Elle osa jeter un regard courroucé vers les deux adultes présents : ses parents. En temps normal, la peur et le respect qu’elle leur vouait aurait interdit toute saute d’humeur potentielle en leur présence. Malheureusement, il ne s’agissait pas d’un jour ordinaire, et cela se trahissait amplement par l'attitude de la famille. Assis sur l'une des chaises en formica de la chambre d’hôpital, Scorpius Malefoy n’était pas reconnaissable. Les épaules affaissées, le regard vers le sol, il semblait absent comme perdu dans un autre monde. Contrairement à son époux, Lady Malefoy se tenait debout près de l’une des seules fenêtres de la pièce blanche, son regard émeraude fixé sur sa fille. Elle était la seule à ne pas avoir changé de comportement face au drame auquel ils faisaient face. La française restait elle-même : toujours aussi droite, toujours aussi stricte.

Soudain, les lèvres pulpeuses de la mère remuèrent rapidement. Lady Constance Malefoy parlait.

Rien.
Le silence.

La frustration de ne pas entendre sa mère la fit serrer les poings. La jeune fille n’avait jamais pris la peine d’écouter attentivement chaque mot de sa génitrice. Elles étaient deux personnes diamétralement opposées, deux entités gravitant dans un même espace sans jamais prendre le temps de se comprendre réellement. L’une était terre à terre, l’autre frivole. A présent, elle regrettait amèrement de ne pas avoir prêté davantage d'attention au son de sa voix.
« Je n'entends pas ce que vous dites, mère ! »

Un air contrit apparut progressivement sur le visage de Constance. Elle fronçait le nez, comme si elle sentait une odeur nauséabonde. Ses lèvres rouges remuèrent à nouveau. De l’autre côté, Scorpius leva brusquement la tête vers les deux femmes. Il se mit lui aussi à parler. Rien, toujours rien…aucun son. Hortense était condamnée à assister à un spectacle muet. Un spectacle où visiblement, son père et sa mère se disputaient allègrement devant elle.
« Je vois vos lèvres bouger, mais… » Elle se mordit instinctivement la lèvre inférieure. « mais je n’entends rien… » intervint la jeune Malefoy, d'un ton devenu désespéré.

Les lèvres du couple s'immobilisèrent. Ne bougeant pas d'un cil, Scorpius ressemblait à une statue de marbre. Acier contre acier, les yeux du père et de la fille s'ancrèrent quelques secondes, avant qu'il ne rompît lui-même le lien. C'est à travers lui qu'elle comprit.
« Oh par Merlin, je vous en prie… ne me dites pas que c’est définitif. » implora la jeune fille.

Un monde sans son. Le silence, rien d’autre. A jamais.

Les yeux larmoyants de leur fille affrontèrent ceux indignés de Constance. Cette dernière s'adoucit légèrement, sortant sa baguette. L'épouse Malefoy entreprit des gestes complexes faisant apparaître une écriture élégante en face d'elle. Les lettres se lièrent, formant des bribes de mots, puis des phrases.

Nous avons engagé un précepteur pour t’apprendre le langage des signes, et à lire sur les lèvres.

La gorge serrée, la colère précédente d'Hortense avait été happée par le désespoir. Ses larmes silencieuses redoublèrent, au fur et à mesure qu'elle prenait conscience de son nouvel handicap.

Ta voix va légèrement changer puisque tu ne t’entendras plus. Tu articuleras un peu moins, mais les médicomages nous ont rassurés là-dessus. Tu resteras compréhensible pour un entendant.

Cela allait trop vite, beaucoup trop vite. Constance expliquait comme si la vie de sa propre fille restait la même. L'adolescente trembla légèrement devant l'apparente insensibilité de sa mère.

Ton grand père est parti hier à Salem, c'est là bas que sont fabriqués les meilleurs plumes magiques qui puissent exister sur le marché. Elles ont des propriétés spéciales qui ~~te permettra de~~...enfin, qui te seront utiles.

Trop d'informations à la fois. Hortense n'en pu saisir que la moitié. Les questions se bousculaient dans son esprit, et le discours de sa mère n'arrangeait rien.

Ces plumes te seront d'une grande aide, surtout lorsque tu repartiras à Poudlard dans un an. Nous avons prévenu Mr Higgins de ton absence. C'est une raison exceptionnelle, alors il a accepté. Il faut bien te laisser du temps pour t'acclimater à ça, t'apprendre tout ce qu'il faut savoir pour être capable de communiquer et suivre des cours comme il se doit.

Une absence ? Elle devait entamer sa septième année dans quelques jours. Les autres seraient-ils au courant ? Les étudiants sauraient-ils que l'impitoyable grande gueule Malefoy était réduite au silence ? Qu'elle ne reviendrait pas avant un an ? Qu'elle ne pourrait plus jubiler à chaque fois qu'elle ferait éclater les vérités si gênantes que la plupart préférait occulter ? Que cette franchise exacerbée, autant cruelle que bénéfique, n'était plus que passé ?

Un sentiment de honte la saisit brusquement. Elle, petite princesse Malefoy, l'insouciante et présomptueuse Hortense n'était plus que...que la déchéance d'une étoile, auparavant brillante et gênante. Adieu son franc-parler et son ton acerbe. Adieu son air supérieur et son charisme calculateur.

Alors, elle prit conscience que chaque détail comptait, chaque futilité qu'elle n'avait pas pris la peine d'apprécier à sa juste valeur seraient à présent inaccessibles : le chant des oiseaux, le ronronnement de son chat, l’accent français de sa mère en passant par le nouveau tube sorcier de l’été, et même le grognement satisfait d’un amant après un orgasme.

Elle aurait même désiré entendre, à nouveau, les remarques innocentes de son ami Isaac à Poudlard. L’entendre commenter le physique de chaque fille qui passait non loin, l’entendre dire que les Weasley femelles étaient jolies, lui rétorquer que la beauté ne se mesurait pas en fonction d’une poitrine volumineuse. Le voir perdre tous ses moyens face à sa réplique déstabilisante, et essayer maladroitement de se rattraper. Entendre les quelques rires de ceux qui avaient suivi leur conversation. Entendre, tout simplement.

Deux ans plus tard,
Journal intime n°4,
245ème page.

« Aujourd’hui, la neige s’est mise à tomber doucement sur Poudlard. La vue est magnifique, je me délecte de chaque détail. Pour certains, le quotidien a repris son chemin monotone. Quant aux autres, ils rient, courent, jouent. Les batailles de boule de neige se multiplient à vue d’œil à travers le parc entier. Moi, je reste là, à les observer par la fenêtre de la bibliothèque. Au chaud. Au chaud, et seule.

Le silence engendrant la solitude, les choses ont donc changé, c’est indéniable. Risible de voir que mes amis me tournent le dos, que mes ennemis restent mes ennemis, que mes souffres douleurs se transforment en bourreaux, que je devienne victime de leur envie de payer pour tous les délits que j’ai commis par le passé. Je suis un paria. La quasi-totalité de Poudlard est satisfait de voir que je paie la monnaie de ma pièce. Le karma qu’ils disent.

Je leur en foutrais du karma.

Je ne peux le nier. Je souffre. La honte me pénètre insidieusement chaque minute, chaque seconde de mon existence. Je sais que c'est idiot de ressentir ça. Mais je n'arrive pas totalement à accepter mon état. Mon orgueil a été profondément blessé : j'étais tellement certaine d'être invincible, et supérieure à la plupart. Une belle illusion. Une illusion comme tant d'autres. Mais comment ne pas se sentir perdue dans une telle situation ? Lorsque tout ce que vous pensiez connaître s’écroule tel un château de cartes ? Lorsque vous vous rendez compte que votre vie n’était qu’un passage éphémère de votre véritable existence ? J’ai pleuré. Je pleure encore pendant ces longues et interminables nuits. Allongée dans mon lit sous les douces couvertures, je libère silencieusement cette souffrance.

Je te laisse sur ces mots, Morphée m'appelle et je ne peux résister plus longtemps à ses effluves oniriques.